jeudi 17 décembre 2009

Explorations du vide

Afin de me distraire de lectures plus sérieuses ou tout simplement pour me changer les idées durant les périodes de gros boulot, j'aime bien feuilleter des choses un peu niaises ou légères (mais j'évite soigneusement d'acheter; il ne faut pas encourager le vice).

Par exemple Marianne, un hebdomadaire bobo dirigé par de braves gens qui se rêvent à gauche mais vivent à droite.

Marianne se prétend "anti-sarkozyste" mais colle la photo du Président (ou de ses ministres) sur chaque couverture ou presque. Ça m'amuse toujours beaucoup.

Commençons par l'édito de Maurice Szafran pour la semaine du 12 au 18 décembre: "Marianne n'a jamais dissimulé un anti-sarkozysme non pas radical -ce qualificatif ne nous convient pas- mais rigoureux." Dixit Szafran, qui ajoute "Nous nous sommes interdit la facilité de la caricature."

C'est sans doute ce noble refus de la facilité qui a poussé Marianne à titrer en couverture de ce même numéro: "Arrêtez-le! Éric Besson, l'homme le plus détesté de France".

Sacré Maurice!

En page 6 on nous apprend "la conversion de Lellouche". Il s'agit du député Pierre Lellouche, "souvent considéré comme un néoconservateur à la française". En fait de "conversion" Lellouche aurait simplement critiqué le "bétonnage de Jérusalem-Est" lors d'une entrevue. On aime les fines blagues et les clins d'œil, chez Marianne.

En page 16 Joseph Macé-Scaron nous offre une réflexion sur une récente décision "sarkozyste": l'abolition des cours d'histoire en dernière année de filière S. L'article a pour titre "Une bagatelle pour un massacre". Le texte se penche sur ce projet de réforme (l'auteur est contre, ce que je trouve insensé car une telle mesure ne pourrait qu'augmenter le lectorat de certains magazines, suivez mon regard) et discute de la réorganisation des filières (jadis C, D, E, aujourd'hui S, etc).

Quel rapport avec le pamphlet antisémite "Bagatelle pour un massacre"? Aucune idée mais à mon avis il est inutile de chercher une raison (une raison pertinente). La "bagatelle" apparaît ainsi dans le texte, sans la moindre référence: "... Voilà pourquoi nos chères élites, version génération Sarkozy, auront donc quatre heures pour parcourir au pas de charge ou au galop le XIXe et le XXe siècle, de la révolution industrielle à la chute du mur de Berlin, une bagatelle pour un massacre."

Et ça devient le titre de l'article. C'est idiot mais ça attire l'attention du lecteur. Les magazines pipole ont rarement plus d'ambition que cela.

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Puisqu'on parle de Céline... Les éditions Écriture publient, dans le cadre de leur collection "Céline & Cie", une compilation des meilleurs articles de Philippe Sollers sur ce thème. La couverture proclame "Sollers - Céline", en toute modestie.

Loin de moi l'idée de foutre au feu les bouquins de Céline. Ce genre de comportement était une caractéristique de ses anciens amis, précisément. Pour ma part je n'ai jamais pu me résoudre à lire un bouquin de ce type (je parle ici de ses "bonnes" œuvres, comme Voyage au bout de la nuit). Idem pour Drieu La Rochelle, Brasillach, "et Cie". Il y a suffisamment de grands auteurs pour s'éviter une telle épreuve.

Mais si quelqu'un choisit de lire Céline, voire de l'aimer, grand bien lui fasse. Il a d'avance ma bénédiction.

Sollers a toutefois d'autres projets qu'une simple critique (fût-elle admirative) des œuvres de cet auteur. La quatrième de couverture de son patchwork d'articles (de 1963 à 2009, mazette) commence ainsi:
Je me rappelle très bien le choc que fut la découverte de D’un château l’autre en 1957, ou de Nord, en 1960. Dès la publication d’extraits dans la NRF, j’ai senti qu’il se passait quelque chose d’essentiel. Depuis, ma fréquentation de l’œuvre de Céline n’a pas cessé. Malgré sa réputation d'infréquentable, alors que son biologisme –ainsi qu’il faudrait définir son racisme– me paraissait en total désaccord avec son génie d’écrivain, j’ai persisté à l’admirer avec constance.

Je sais que cela prendra encore un siècle ou deux, mais il faut débarrasser Céline de ses oripeaux de fou vociférant et, cela va de soi, de son antisémitisme. L'image qui prédominera alors sera celle d'un Céline enfantin. Car c'est sans doute ainsi qu'il faut le voir: un enfant innocent perdu dans un monde coupable.
Un bon coup de plumeau sur le point de détail qui dérange quelques esprits mesquins et rancuniers, et le tour sera joué. Bizarre quand même de prétendre admirer et faire connaître un auteur tout en proposant d'effacer les "bourdes" dans le CV du héros...

Selon Sollers il faudra "un siècle ou deux" pour parvenir à "débarrasser Céline de son antisémitisme". Je le trouve bien pessimiste. Au train où vont les choses, une ou deux décennies suffiront amplement.

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Le prix Nobel de la Paix 2009 a été attribué à M. Obama. C'est la première fois, à ma connaissance, que le prestigieux prix est attribué uniquement parce que le récipiendaire a gagné une élection.

On vit une époque intéressante.

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