jeudi 1 octobre 2009

Ces accouplements qui menacent Montréal

Pierre Curzi, député péquiste (donc séparatiste) élu au parlement provincial à Québec, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, s'inquiète beaucoup pour l'avenir de Montréal.

L'affaire est tellement grave que La Presse et Le Devoir publient aujourd'hui une fulgurante analyse du député. On peut la lire sur le site Internet du Devoir: Protégez le français, revenez sur votre île! (Montréal est située sur une île bordée par le Saint-Laurent au sud et la rivière des Prairies au nord.)

Que nous dit le député? "L'anglicisation de Montréal est un phénomène qui me préoccupe grandement."

Bon, certes, Pierre Curzi est du genre à se sentir menacé par la venue d'un chanteur anglophone (Paul McCartney) lors des festivités organisées pour les 400 ans de la ville de Québec... Mais tout de même, en tant que Montréalais francophone, je me sens concerné par son cri d'alarme. Oui, je suis tout disposé à m'inquiéter comme "près de 90 % des Québécois francophones [qui] estiment que la langue française est menacée à Montréal". C'est un sondage Léger-Marketing qui l'affirmait en juin 2009. Si des sondés à Joliette, Rimouski, Gaspé ou Chicoutimi "estiment" que la langue française "est menacée à Montréal", c'est que c'est vrai. Le fait que les séparatistes chantent cette rengaine depuis des années n'a probablement aucune influence sur l'opinion des sondés.

Mais diantre! Je vis depuis six ans à Montréal et je n'avais pas remarqué cette satanique vague anglobeurk. Pierre Curzi (plus exactement la source sur laquelle il se fonde) est formel: "Dans les faits, le poids démographique des individus de langue maternelle française recule sans cesse à Montréal depuis 40 ans. Il est passé de 61 % en 1971 à 50 % en 2006".

Aïe. Je commence déjà à me sentir un peu angoissé, même si le député oublie de préciser sa source.

Si on accepte les chiffres fournis par le député péquiste, pourquoi le nombre d'individus de langue maternelle française baisse-t-il à Montréal?

C'est tout bête: de plus en plus de francophones vont s'acheter un pavillon en banlieue. Les rats quittent le navire, tabarouette! Ils s'échappent par les ponts! Plutôt que vivre en vrais patriotes dans un 4 1/2 dont le loyer s'envole et faire barrage à la (prétendue) vague anglophone, ils préfèrent investir dans une bicoque dans des municipalités où il y a déjà 95% de vrais Québécois-de-souche! Quel gâchis...

Or un individu "de langue maternelle française" qui s'installe à Brossard ou Laval, c'est bien plus qu'un -1 dans les statistiques. Pierre Curzi a très bien vu le péril mortel qui menace notre ville: un Franco qui s'en va, c'est un Franco qui n'entre plus "en contact quotidiennement avec les allophones" (1).

Et que va faire un allophone ainsi privé du "contact quotidien" avec nos Tremblay, Gagné, Gagnon, Laliberté, Lafleur, Choquette et Paquette? Il va céder aux tentations du diab', asti! "Les allophones ont donc le choix et la possibilité de vivre dans les deux cultures. D'ailleurs, un allophone sur deux vit dans la culture anglophone à Montréal", nous dit le député.

On ne dira jamais assez le danger pernicieux que cachent "le choix" et "la possibilité". Heureusement Pierre Curzi et son parti sont là pour nous alerter sur la face cachée de ces diaboliques concepts.

Mais il y a pire encore que l'emprise anglobeurk sur l'esprit de nos concitoyens allophones. Les Anglos ne se contentent pas de profiter honteusement de la défection des Tremblay, Gagné, Gagnon, Laliberté, Lafleur, Choquette et Paquette pour leur bourrer le crâne avec Corner Gas et Little Mosque on the Prairie, oh que non!
[Le] risque de transfert linguistique intergénérationnel vers l'anglais [devient] exponentiel s'il y a union avec un ou une anglophone. Donc, moins il y a de francophones sur l'île de Montréal, plus les allophones vont fonder des familles avec des anglophones. Si l'on veut que les allophones s'intègrent majoritairement à la culture francophone, nous devons vivre avec eux et nous devons être nombreux à le faire!
C'est pas de l'analyse ça?

Après le choix et la possibilité de regarder des conneries en anglais plutôt qu'en français à la télé, voici donc un autre terrible danger: les étalons francophones étant hors de portée en banlieue (franchir un pont, tu penses, ça te casse la libido) la femelle allophone, poussée par d'impérieux instincts naturels, est désormais tentée de s'accoupler avec le premier Anglo qui passe. Les petits issus de cette union sont alors assimilés par l'ennemi. Damned!

Et voilà comment Montréal descend doucement dans sa tombe... Sérieusement, ça ne vous plonge pas dans des affres d'angoisse? Ça ne vous fait pas suer de peur? Moi si! D'ailleurs dès demain j'adhère au Parti Québécois et j'engrosse j'épouse une immigrante allophone. Un utérus de moins pour les Anglais, et toc.

Et elle est là, la solution! Les Tremblay, Gagné, Gagnon, Laliberté, Lafleur, Choquette et Paquette sont priés de rapatrier leurs gonades sur l'île, et fissa: "Il faut travailler au développement des politiques pour garder sur l'île de Montréal les francophones qui y habitent déjà et créer les conditions de retour vers Montréal pour les francophones souhaitant y demeurer".

J'ai hâte de voir les propositions que ne manquera pas de faire le député péquiste. Comment limiter "le choix" et "la possibilité" des habitants de l'île, bref, comment restreindre les libertés des Montréalais en matière de lieu d'habitation, de biens culturels voire de partenaires sexuels? Instaurer des taxes en fonction de la langue maternelle des habitants? Des péages sur les ponts? (Devront payer les francophones qui sortent de l'île et les anglophones qui veulent y entrer.)

Quel suspense!

* * *

Pour finir, la question que tout le monde se pose (surtout les Français et les Belges): ils sont payés pour pondre ce genre d'analyses, les députés québécois? La réponse est oui, et plutôt bien (sans oublier les petits à côté).


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(1) Le terme "allophone" désigne une personne dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais.

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