samedi 3 octobre 2009

Selon que vous serez puissant ou misérable...

S'il est une chose agaçante en ce monde, c'est lorsqu'une corporation serre les rangs autour d'un délinquant. Célèbre et couvert d'honneurs, le délinquant, de préférence.

Que l'on m'explique par exemple pourquoi l'artiste Patrick Font a été marqué du seau éternel de l'opprobre, abandonné de presque tous bien qu'il ait "payé sa dette à la société" comme on dit, alors que le fugitif Roman Polanski a, lui, été aidé durant sa longue cavale et se voit aujourd'hui entouré d'un rempart de saltimbanques de luxe.

Trop popu, Font? Trop provincial? Il doit bien y avoir une raison pour que l'un soit traité comme un pestiféré alors qu'on se bat pour arpenter les tapis rouges en compagnie de l'autre. Est-ce une affaire de talent? Un Oscar pour oublier le sédatif, un César pour absoudre la sodomie? Pas de statuette dorée, pas de pardon, quand bien même on aurait purgé sa peine?

Que l'on me cite un violeur de mineur(e) fauché et/ou anonyme, un seul, qui aurait bénéficié d'une telle complicité internationale durant trente années, et qui verrait un ministre s'emporter publiquement contre ceux qui s'efforcent de le faire juger et ainsi clore l'affaire une bonne fois pour toutes.

Bien sûr, on peut aimer Polanski, peut-être surtout ses films; pourquoi d'ailleurs le haïrait-on alors que sa victime a passé l'éponge? Bien sûr, on doit souhaiter un dénouement rapide et équitable pour tous, y compris pour l'accusé. Mais dénouement il y aurait eu depuis longtemps si le prévenu n'avait pas choisi de fuir son pays et ses juges. Et si une peine légère est appliquée, qu'elle soit fondée sur le droit et non pas sur l'épaisseur du carnet d'adresses de l'agresseur.

Ce qui est ahurissant dans cette affaire ce n'est pas que Polanski ait opté pour la fuite et refait sa vie ailleurs. Chacun sa stratégie de défense après tout. Ce qui est scandaleux et proprement immoral c'est que l'on attend du citoyen "de base" qu'il respecte la justice, qu'il se plie aux lois (concernant les droits d'auteurs par exemple...) y compris celles qu'il ne connaît pas car nul n'est censé ignorer la loi, tandis que le gratin se mobilise pour exiger qu'un des leurs en soit définitivement exempté.

Il ne leur manque que la perruque poudrée. La mentalité d'ancien régime, la morgue aristocratique, le mépris de la plèbe, ils l'ont déjà.

* * *

Lecture conseillée: le billet d'Eolas consacré à cette pathétique affaire. Voilà un avocat qui ne se fera pas beaucoup d'amis sur la Croisette; ce n'est pas très grave car les avocats "fréquentables" ne manquent pas, dieux merci.

Extrait du billet d'Eolas:
"Je trouve honteux d’entendre des artistes qui il y a quelques semaines vouaient aux gémonies les téléchargeurs et approuvaient toute législation répressive et faisant bon cas de droits constitutionnels pour sanctionner le téléchargement illégal de leurs œuvres crier au scandale quand c’est à un des leurs qu’on entend appliquer la loi dans toute sa rigueur. Quand on sait que pas mal de téléchargeurs ont dans les treize ans, on en tire l’impression que les mineurs ne sont bons à leurs yeux qu’à cracher leur argent de poche et leur servir d’objet sexuel. Comme si leur image avait besoin de ça. Et après ça, on traitera les magistrats de corporatistes."
Pour plus de détails sur l'attitude de la caste artistique ou les déclarations scandaleuses de certains politiques, n'importe quel journal français fera l'affaire.

Update
Polanski, une victime? de Lysiane Gagnon, et La pédophilie politiquement correcte par Yves Boisvert. Ils mettent bien en évidence le "deux poids deux mesures" réclamé par certains. Le ministre parisien de la Culture ainsi que quelques autres bonnes consciences n'ont rien à craindre des frimas qui approchent, les voilà habillés pour l'hiver...

La liste des signataires contre "l'Amérique qui fait peur" (aux violeurs d'enfants?) sur le site de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques).

En comparaison de la grande compassion de la SACD pour un violeur de gamine en cavale, regardez un peu leur attitude face à la reproduction des œuvres des artistes (la SACD représente ses membres, auteurs et compositeurs, auprès des diffuseurs; elle perçoit les versements et les répartit ensuite entre les adhérents, en gardant un petit pourcentage au passage): Loi Création et Internet, ou encore la copie privée.

Si quelqu'un a vu, un jour, une pétition organisée par la SACD pour demander l'élargissement d'un gamin coupable de téléchargement, qu'il me fasse signe!

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