samedi 5 septembre 2009

Sur le front culturel de la lutte "antisioniste"

La campagne "kauft nich bei Zionisten" continue.

Tandis qu'en France les "antisionistes" préparent leurs slogans haineux et leurs pancartes à l'occasion d'un match de football Bordeaux-Haifa (1), au Canada et ailleurs dans le monde l'assaut est lancé contre le Toronto International Film Festival (TIFF): le Festival international du cinéma de Toronto, qui consacre une petite partie de son programme (City to City) à Tel-Aviv.

Ken Loach (voir un précédent billet) fait partie des "insurgés", de même que Jane Fonda et plusieurs autres artistes/activistes hypersélectifs dans leur choix de pays à boycotter (ils n'en boycottent qu'un, comme par hasard le seul État juif au monde, mais c'est purement un hasard - et ils ne boycottent aucun autre pays impliqué dans le conflit, comme l'Iran, la Syrie ou le Liban etc., ce qui démontre que ce n'est pas le conflit en soi qui les dérange).

Les partisans du boycott total de l'État juif ont même leur petit blog pour l'occasion.

On peut y lire les habituelles "critiques": TIFF serait complice de la "machine de propagande israélienne" et le programme City to City est décrit comme une "campagne de propagande" en faveur du "régime d'apartheid". On y met en cause le financement du Festival, et on peut lire également que Tel-Aviv "a été construite sur des villages palestiniens détruits". On perçoit ici une hostilité fondamentale qui n'a plus grand-chose à voir avec le statut des territoires disputés, ou la récente opération militaire israélienne dans la bande de Gaza...

Le Toronto Star résume la situation. Je recommande également la lecture d'une lettre ouverte signée par Cameron Bailey, vice-président du TIFF, sur le site du Festival: An Open Letter on City to City: Tel Aviv.

On peut ainsi apprendre que les "critiques-de-la-politique-d'Israël" font des insinuations mensongères lorsqu'ils mettent en cause le financement et l'indépendance du TIFF : "No, it isn't true. The state of Israel and our government are not funding TIFF in any way. It isn't part of the branding project, and is completely separate and had nothing to do with us", a ainsi déclaré un porte-parole du consulat général d'Israël à Toronto cité par The Star.

On apprend également que les organisateurs du Festival avaient proposé aux "critiques" de voir les films présentés dans le cadre de City to City: Tel-Aviv et de les juger sur leur contenu, et non pas uniquement sur leur provenance. Cette accommodante proposition a été rejetée par les activistes "antisionistes". Pour eux, il suffit qu'un film soit israélien pour être assimilé à une "campagne de propagande" du "régime d'apartheid", et donc rejeté.

Ken Loach et ses amis ont acquis une certaine expérience dans l'intimidation des Festivals culturels, que ce soit en Écosse ou en Australie. Ils peuvent compter sur une partie de la population, prompte à condamner Israël et sa "propagande" (2) que ce soit par ignorance, par conformisme ou bien par sincère conviction antisémite.

Reste à savoir si le Festival sera contraint de céder sous la pression et la haine, ou si la raison l'emportera.

Update
Cameron Bailey, dans sa lettre ouverte, déclare que le choix de Tel-Aviv n'a pas été simple et que la ville reste un "territoire contesté" [We recognize that Tel Aviv is not a simple choice and that the city remains contested ground]. Une telle déclaration me semble plutôt inquiétante. Si même des adversaires du boycott d'Israël considèrent Tel-Aviv comme une "zone contestée", on n'est pas sortis de l'auberge...

Vu sur Z-Word Blog, un article signé Charles Lewis paru dans le National Post (journal canadien) qui se moque ouvertement des boycotteurs et de leur obsession anti-Israël:
It is no surprise that they are targeting a series of 10 films about Tel Aviv. Every protest today by intellectuals or artists who think they are intellectuals has to be about Israel. It is the worst country in the world, is it not?
Lewis termine par un appel au boycott de son goût, une grinçante parodie du boycott lancé par les "stars" anti-israéliennes:
So I have decided to protest. As far as I am concerned all the 50 people who have signed this letter of protest are nothing more than that single signature. Nothing that has come before or is to come will ever change that. I will never read a Naomi Klein book. I will burn my Jane Fonda exercise tapes. I will boycott any movie that Danny Glover has ever been in or will be in and I am throwing out every CD on which David Byrne appears. The same goes for all the rest, but in all honesty I hoped never to read another Alice Walker book as long as I lived, so that will be easy.

Not that I have anything against these people; some of my best friends are artists.
Marc Cassivi, chroniqueur à La Presse, parle un peu de cette histoire de boycott en marge d'un article sur le Festival. Il écrit que le programme City to City: "rend hommage à la capitale israélienne Tel Aviv" (La Presse). Dans le monde abstrait et déconnecté du réel qu'est le politiquement correct, Jérusalem est transportée magiquement dans la banlieue de Tel-Aviv. Mystérieux pouvoir des mots!


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(1) Il s'agit ici du vrai football, et non pas du sport pratiqué en Amérique du Nord et que l'on appelle abusivement "football".

(2) Voir Eytan Fox et son film "The Bubble" assimilés à une "machine de propagande israélienne" devrait suffire à ridiculiser définitivement les signataires de l'appel au boycott.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Hitler avait prévu que, même après sa mort, la haine antisémite, qu'il a semée, continuerait de germer dans le monde.
La haine anti-juive est la plus longue. Elle est planétaire. Elle se conjugue avec la haine anti-israélienne. Les antisionistes refusent de reconnaître aux Juifs le droit de se constituer en nation. Les Palestiniens ont réussi à rallier à leur cause de larges secteurs d’une opinion sensible à leur situation. Ils sont passés maîtres dans l’art de la désinformation. La cause palestinienne est instrumentalisée pour présenter les victimes d’hier en bourreaux d’aujourd’hui et alléger la culpabilité occidentale liée à la Shoah.

Albatros a dit…

Il est exact que la cause palestinienne est instrumentalisée, mais il me semble que:

1) cette instrumentalisation n'est pas le fait de tous les Palestiniens, plutôt de leurs inamovibles dirigeants (parmi d'autres: les intellectuels, les chefs religieux, ont aussi un rôle)

2) elle a profondément nui aux intérêts palestiniens, puisque pour nombre de militants il s'agit de haïr les Israéliens bien plus que de soutenir les Palestiniens, souvent traités avec mépris ou indifférence (voir l'absence totale de réactions lorsque ce sont des régimes arabes qui oppriment des Palestiniens, les chassent ou les massacrent)

3) les motivations des boycotteurs sont à mon avis multiples; la déculpabilisation peut jouer un rôle, les convictions antijuives aussi à l'évidence. Mais c'est bien souvent le *conformisme* qui entraîne l'adhésion aux thèses "antisionistes" (c'est flagrant chez les lycéens ou étudiants)

Salutations