jeudi 3 septembre 2009

Liberté de la presse vs. Crédibilité de la presse

Il n'y a pas de souci à se faire pour la liberté de la presse occidentale. Elle pète le feu en Suède, et va merveilleusement bien en Espagne (mais ça on le savait déjà). Pour ce qui est de sa crédibilité, par contre, on est en droit de se faire du souci.

1) En Suède. Contrairement à ce que laissait entendre un précédent billet:
Aftonbladet blir ingen EU-fråga (Svenska Dagbladet)

Nej, EU:s utrikesministrar ska inte diskutera Aftonbladets artikel om påstådd israelisk organstöld vid mötet i Stockholm på fredag och lördag.

Det klargör svenska UD:s kommunikationschef Cecilia Julin, sedan Italiens utrikesminister Franco Frattini påstått motsatsen i en telefonintervju med den israeliska dagstidningen Haaretz
(...)

[Aftonbladet ne sera pas discuté par l'UE. Non, les ministres des Affaires étrangères de l'UE ne parleront pas de l'article d'Aftonbladet sur de prétendus vols d'organes en Israël à l'occasion de leur rencontre à Stockholm vendredi et samedi. Ce point a été précisé par Cecilia Julin, porte-parole du ministère suédois des Affaires étrangères, après que le ministre italien des Affaires étrangères a affirmé le contraire lors d'une interview téléphonique avec le quotidien israélien Haaretz (...)]
Franco Frattini a-t-il eu des hallucinations auditives lorsqu'il a parlé avec son collègue suédois Carl Bildt? Ou a-t-il eu tort de vendre la mèche à Haaretz? Ou bien encore a-t-il confondu une condamnation personnelle (celle de Bildt) avec une prise de position officielle? Qui sait...

2) En Espagne :

El Mundo commémore à sa façon le début de la Deuxième Guerre mondiale (1er septembre 1939, c'était il y a 70 ans). Voici ce que rapporte l'édition française du JPost:
El Mundo s'apprête à publier une interview du négationniste David Irving. Ce dernier fait partie d'une liste d'experts qui seront interrogés par le quotidien pour marquer le 70e anniversaire de la Seconde guerre mondiale

Comme son homologue suédois Aftonbladet il y a quelques semaines, El mundo fait appel à la liberté de la presse pour justifier son choix.

L'interview du britannique Irving, emprisonné de février à décembre 2006 dans les geôles autrichiennes pour "glorification du parti nazi allemand", est prévue pour le samedi 5 septembre. Elle succèdera à celle du président de Yad Vashem Avner Shalev.
Donner la parole au président de Yad Vashem, puis à un négationniste, c'est simplement de la liberté d'expression. De l'information. Il faut être sioniste pour y voir le comble du mauvais goût.

Selon El Mundo, qui répondait à la réaction indignée de l'ambassadeur israélien (1), "il ne s'agit pas avec cet article de soutenir les opinions d'Irving" (source JPost). Non, bien sûr! Il s'agit simplement de les diffuser en lui donnant la même tribune qu'à des historiens ou au président de Yad Vashem à l'occasion d'une commémoration d'importance. Le public a droit de lire l'avis de tous les "experts" (2).

Yad Vashem a visiblement mal pris la chose (le Lobby n'aime pas la liberté de la presse, c'est bien connu):
La porte-parole de Yad Vashem Estee Yaari a déclaré qu'il était "choquant" qu'un journal tel qu'El mundo publie un entretien de David Irving et que ce dernier soit considéré comme "un spécialiste".

Selon elle, "Shalev n'aurait jamais accepté l'interview avec le quotidien espagnol s'il avait su [qu'Irving allait être interrogé également]." (JPost)
Nous vivons décidément une époque intéressante...

Ils en parlent: UPJF, Dagens Nyheter (Suède).

Update
Tandis que Carl Bildt décidait d'annuler sa visite en Israël prévue pour le 11 septembre, son collègue espagnol exprimait sa désapprobation devant la décision d'El Mundo d'offrir une tribune à un négationniste à l'occasion de la commémoration du début de la Deuxième Guerre. Une porte-parole du ministre espagnol, Miguel Angel Moratinos, a fait une déclaration sur ce sujet à Stockholm (où se tenait, heureux hasard, une réunion des ministres des Affaires étrangères européens):
"The foreign minister, while maintaining the most absolute respect for freedom of expression, regrets that space was given to a historian who denies one of the biggest tragedies for humanity in modern history" (Haaretz)
Tout est dit, en peu de mots. Bravo.


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(1) La réaction de l'ambassadeur, Raphael Schotz, est disponible en espagnol sur le site d'El Mundo (qui se vante de la divulguer en entier, pas de censure chez El Mundo...)

(2) Voici une réponse de la rédaction à la lettre de l'ambassadeur israélien: "Efectivamente, nuestro periódico publicará el próximo sábado una entrevista con David Irving. Nuestra línea editorial ha sido siempre consecuente con la condena de la barbarie nazi y del Holocausto que provocó Hitler. No estamos de acuerdo con las tesis negacionistas. Los historiadores más serios han demostrado con pruebas y datos irrefutables el exterminio del pueblo judío llevado a cabo por el Tercer Reich. Nuestro periódico publica artículos y entrevistas de interés para el público, siempre que en ellos no se incite a cometer delitos. Es lo que hemos hecho con Irving. Entendemos que al embajador Schultz no le guste, pero sus valoraciones sobre la decisión de publicarla reflejan una visión de la realidad maniquea e intransigente que poco ayuda a la causa de la defensa de los intereses de su país y de su pueblo." (Ils ne sont pas d'accord avec les thèses négationnistes mais ne voient pas d'inconvénient à donner la parole à un négationniste, dans l'intérêt du public. Le traducteur Google c'est ici.)

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