jeudi 5 février 2009

Nicolas Sarkozy bientôt devant la CPI?

Le premier ministre du Québec, Jean Charest, est allé rendre visite aux Parisiens.

Nicolas Sarkozy l'a cordialement reçu à l'Élysée. À cette occasion il a fait savoir sa préférence pour un Canada uni.

Il avait déjà tenu des propos dans ce sens à Québec (lors du sommet de la Francophonie en 2008), propos qui avaient irrité les séparatistes.

Mais le discours de Paris était plus direct, plus percutant. Le président français a parlé de "sectarisme", d'"enfermement sur soi-même", etc.

Ça n'a pas plu. Oh que non. Les séparatistes aiment bien aller s'assurer des bonnes grâces de la France, comme Jacques Parizeau lorsqu'il était allé rendre visite à Jacques Chirac peu de temps avant le référendum de 1995 (la relation d'amour/haine qu'entretiennent les nationalistes québécois avec la France est très intéressante à observer). Ils ont toujours un tendre souvenir de De Gaulle, qui avait clamé "Vive le Québec libre!" depuis le balcon de la mairie à Montréal en 1967.

C'est cette relation faite de dépendance, de besoin de reconnaissance, mais aussi de rancoeur alimentée par un persistant sentiment d'infériorité, qui explique l'importance de l'opinion de Nicolas Sarkozy sur ce que doit être, ou pas, le Québec.

Jusque là, les réactions hostiles au discours de N. Sarkozy étaient tout à fait prévisibles. Mais les chefs séparatistes ont pris une décision qui vient de nous faire passer de la farce politique au psychodrame: ils ont décidé d'envoyer une plainte officielle à la France!

Ils sont en colère et ça se voit: Pauline Marois, chef du Parti Québécois, à gauche - Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois, à droite (Photo: Alain Roberge, La Presse)
Ils sont en colère et ça se voit: Pauline Marois, chef du Parti Québécois, à gauche - Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois, à droite (Photo: Alain Roberge, La Presse)

Pour la première fois de leur histoire, le Parti québécois et le Bloc québécois ont adressé une plainte officielle à un chef d'État, en l'occurrence le président français Nicolas Sarkozy qui a accusé le mouvement souverainiste de «sectarisme». (La Presse)

Le clou des rencontres franco-québécoises à Paris s'est toutefois avéré être l'intervention d'un député français, Pierre Lasbordes, qui a voulu frimer devant Jean Charest et son entourage. Il a ainsi lancé à un auditoire abasourdi : "J'espère que vous n'avez pas trop la plotte à terre, comme on le dit au Québec". Il croyait s'inquiéter de l'état de fatigue du premier ministre, mais sa phrase sonne de manière très désagréable à une oreille québécoise ("la plotte", au Québec, désigne ce qu'en France on nomme vulgairement "la chatte"...). Habituellement ce niveau de langage est réservé aux "3e mi-temps" des rencontres internationales, et non pas aux réceptions officielles.

Bref, depuis hier je me suis fait plusieurs fois demander si j'avais "la plotte à terre" par des Québécois hilares...

Franchement, monsieur Lasbordes! Je ne sais pas ce qui me retient de vous envoyer une plainte de quatre pages.

Update
Parmi les millions de réactions, éditos, chroniques radio et télé suscités par le discours de Nicolas Sarkozy, celle-ci, de Gil Courtemanche dans Le Devoir [mes remarques entre crochets]:
Ouragan médiatique. Sarkozy parle de sectarisme à propos des indépendantistes. Il ne respecte pas la règle de la non-indifférence. Bon, Sarkozy ne connaît pas le Québec, ni le mouvement souverainiste. C'est vrai. [Est-ce que De Gaulle connaissait mieux le Québec? J'en doute fort! Cette accusation est purement formelle: dès que quelqu'un -y compris un Québécois de naissance- s'oppose au séparatisme, il se fait volontiers accuser de ne pas connaître le Québec, le Québec authentique] Mais comme on dirait en France, les Québécois moyens s'en «branlent». Les médias locaux en font des manchettes depuis une semaine. Bêtise. [Pourquoi donc y ajouter la vôtre, de manchette?] On se fout de Sarkozy. [Ah bon? Vu la quantité et l'intensité des réactions je crois qu'on peut affirmer le contraire] La position du président de la France n'influencera jamais notre choix. Plus fondamentalement, cela relève de notre volonté médiatique d'être reconnus comme si nous ne nous suffisions pas à nous-mêmes et que nous avions besoin de la reconnaissance des autres pour exister. [C'est précisément ce que révèle, une fois de plus, cette affaire. C'est pourquoi Marois et Duceppe font référence à De Gaulle dans leur lettre de plainte, c'est pourquoi Parizeau était allé chercher le soutien de Chirac en 1995, etc.] Nous savons qu'Isabelle Boulay est une fantastique interprète, que Céline Dion est célèbre mondialement. Avons-nous besoin d'être informés du jugement des autres pour continuer à les aimer? Si oui, il y a un problème.
Je confirme. Il y a un problème.

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