samedi 12 juin 2010

La théologie n'a pas sa place à l'université

Intéressante opinion publiée dans le National Post du 10 juin (publié également sur le site du journal).

Un religieux catholique qui se présente comme "Père" Raymond de Souza signe un plaidoyer pathétique en faveur de son hobby: la métaphysique (plus précisément la théologie chrétienne). Il place celle-ci à égalité avec la physique.

Selon "papa" de Souza, Stephen Hawking peut bien être le plus intelligent parmi les physiciens ("the biggest brains among the big brains of physics"), il est bien incapable de nous dire pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien.

C'est un argument très répandu chez les religieux. Il est pourtant d'une faiblesse telle qu'il suscite toujours un peu -mais pas trop- ma compassion.

"Daddy" de Souza sait que Stephen Hawking ne croit pas dans le dieu personnel révélé par Abraham. Il affirme que l'amour créateur de ce dieu bien précis est pourtant la réponse à la fameuse question du "pourquoi" ["Hawking does not believe in the personal God of Abrahamic revelation, whose creative love is the answer to the question of why there is something rather than nothing."]

"Père" de Souza écrit noir sur blanc que la physique, l'astronomie, les mathématiques, ne nous seront jamais d'aucun secours pour savoir "pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien". "Nous avons des télescopes très puissants, mais même le plus puissant ne peut pas nous dire ce qu'il y avait avant qu'il y ait quelque chose à voir" [We have very powerful telescopes, but even the most powerful cannot tell us what there was before there was anything to see.]

Heureusement pour nous les théologiens ont de bons yeux, bien meilleurs que ce minable Hubble...

Contrairement à un Stephen Hawking qui ne voit aucun problème à discuter des limites de la connaissance scientifique, les théologiens, eux, savent. Pas d'hésitation chez "papounet" de Souza: ce dieu bien précis qu'il représente et auquel nous devrions obéir EST la réponse à une question qu'un des plus grands physiciens au monde ne peut résoudre.

Visiblement le "père" voit dans les questions laissées sans réponses par la science un échec de cette dernière! Il ne saisit pas l'importance qu'ont les "trous" de la connaissance. Si nous savions tout il n'y aurait rien à chercher et Hawking ferait la manche sur le perron d'une église. Il oublie en outre que les limites de nos connaissances scientifiques bougent rapidement, elles ne sont pas figées (contrairement à son propre "domaine de compétences").

Je ne sais plus qui disait que la différence fondamentale entre religions et science, c'est que la deuxième est fondée sur le doute tandis que les premières sont bardées de certitudes et possèdent toutes les réponses (surtout lorsque ça concerne notre comportement au lit...)

En vertu de son raisonnement bancal, "father" de Souza réclame pour ses copains théologiens le privilège d'obtenir plus de postes au sein des universités (et le financement qui va avec). "La théologie n'a pas de place significative au sein de l'université. Les grands mystères (...) sont ainsi négligés par nos penseurs les plus avancés." [Theology has no significant place in the modern university. So the great mysteries (...) are neglected by our most sophisticated thinkers]

"Dad" de Souza échoue à expliquer par quel miracle des théologiens seraient capables d'expliquer à des astrophysiciens (par exemple) les causes ultimes des galaxies, des pulsars, du temps et de l'espace! "L'amour créateur de dieu" n'est pas une réponse, c'est une croyance personnelle, une intime conviction, un pari. Ça ne va pas plus loin que "l'explication" de la création du monde par Zeus. Abracadabra, Mr Hawking!

Une croyance personnelle peut être très respectable -ou pas- mais elle relève de la vie privée, comme la pêche à la mouche le week-end ou regarder un bon épisode de Star Trek (je recommande l'épisode Parallels dans la saison 7 de Next Generation). Personnellement j'ai une préférence pour Star Trek plutôt que pour la théologie, car nul être vivant n'a jamais été mis à mort ou emprisonné pour avoir critiqué le scénario ou mis en doute l'existence de Jean-Luc Picard...

Théologiens, ne venez pas prêcher dans nos universités, et nous n'irons pas penser dans vos églises!

Aucun commentaire: