dimanche 27 juin 2010

Rions un peu avec les évangéliques

Les livres les plus intéressants sont souvent exigeants. C'est le cas pour le passionnant Why Evolution is True, de Jerry A. Coyne.

Pour se reposer la tête entre deux chapitres, rien de tel que feuilleter des choses plus légères. Par chance les éditions Ministère Multilingue International viennent de publier un livre de poche intitulé "Nous croyons en Dieu - La foi évangélique pour tous" de Jean-Sébastien Morin.

Les évangéliques gagnent du terrain au Québec, profitant de l'insatisfaction des brebis catholiques. Ce petit bouquin résume les points importants de leur dogme. Il regorge d'humour involontaire.

Le premier chapitre est consacré à LA question: "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?". Cette question travaille beaucoup les religieux (voir ce précédent billet), non pas parce que ça titille leur intérêt pour l'observation de l'univers mais parce qu'ils voient dans la non-réponse de la science la preuve de l'échec de cette dernière, et par conséquent la preuve que leurs hypothèses théistes sont fondées. La logique, on le voit, n'est vraiment pas leur fort.

La preuve par le jeu de mots

L'auteur a une façon amusante de se prendre les pieds dans les concepts. À propos des lois de la nature, il écrit: "Dans notre expérience humaine, il n'y a des lois que s'il y a un législateur (quelqu'un pour faire des lois)" [il suppose apparemment que ses lecteurs ne connaissent pas tous le sens du mot "législateur"...]
Il insiste un peu plus loin: "Pour qu'il y ait des lois il faut qu'il y ait quelqu'un derrière. Il en est de même en science: les lois physiques doivent avoir été instaurées par une intelligence."

En guise de raisonnement nous avons ici un simple jeu de mots.

C'est bien évidemment en référence aux lois humaines que les philosophes de jadis ont forgé l'expression "lois de la nature". Ce n'est rien d'autre qu'une convention de langage et il faut être bien naïf pour en tirer des déductions sur l'existence d'un législateur céleste...

Haro sur l'évolution

Dans ce même chapitre l'auteur remet en cause les sciences naturelles (bizarre, il vient juste de mentionner les "lois physiques" pour "prouver" l'existence de son législateur suprême!) et plus précisément l'évolution, bête noire des fondamentalistes de tous horizons:
"... l'être humain est la machine la plus complexe au monde. Dans ce sens, il est impossible que l'être humain soit le fruit d'une évolution dûe [sic] au hasard. Au minimum, s'il y avait évolution, il faudrait que quelque chose, une intelligence conceptrice, planifie ou guide cette évolution."
C'est un vieil argument, plus ancien que L'Origine des espèces de Darwin (1859). Il a été formulé par William Paley en 1802 dans un passage devenu très célèbre (cf. Wikipedia et le site de l'UCMP, le Musée de paléontologie de l'université de Californie).

En fait, l'évolution est la réponse scientifique à cette vieille énigme. Les évangéliques -parmi d'autres- ne peuvent accepter le fait évolutif puisque cela contredit leur lecture littérale de la bible. Puisque 150 ans ne leur ont pas permis d'élaborer de nouveaux concepts, ils se contentent de ressortir l'interrogation de Paley...

Sans être spécialiste je sais au moins que:
  • l'évolution n'est pas uniquement fondée sur "le hasard", loin de là. Les mutations génétiques transmissibles aux descendants peuvent, en effet, être le fruit du hasard (une erreur de copie de l'ADN par exemple). Mais le processus de la sélection naturelle n'a rien de hasardeux
  • si "l'intelligence conceptrice" guidait le processus évolutif, elle n'aurait pas d'autre choix qu'agir sur la matière, son influence devrait donc être visible aujourd'hui encore puisque l'évolution ne s'est pas arrêtée il y a deux mille ans. Les êtres vivants continuent de changer, y compris en laboratoire (l'adaptation des micro-organismes aux médicaments, par exemple, donne bien du travail à la recherche médicale). Aucune influence "magique" n'a été détectée à ce jour

La femme, cet animal étrange

Le passage peut-être le plus hilarant se trouve dans le chapitre "La grande séduction". L'auteur aime beaucoup les références cinématographiques - à défaut de pouvoir citer des vulgarisateurs comme Coyne il peut s'inspirer de La grande séduction ou du Seigneur des anneaux sans problème. Dans un passage il nous donne une intéressante vision de la femme:
"En résumé la chute [d'Adam et Ève] a amené beaucoup de malédictions: (...) les difficultés entre l'être humain et la femme"
Garanti 100% authentique.

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