mercredi 29 avril 2009

Latkes et thé vert

Estimations ONU: "probablement" 6.500 morts, environ 14.000 blessés, des dizaines de milliers de civils sur les routes.

Des Tamouls sauvés de la guerre, mais en péril dans des camps (AFP), "Environ 200 000 civils tamouls du Sri Lanka ont échappé au cauchemar de la zone de guerre, mais ces réfugiés blessés et traumatisés s'entassent maintenant dans des camps aux conditions sanitaires et alimentaires déplorables"

Le Sri Lanka empêche tout accès humanitaire à la zone de guerre (AFP) "Le gouvernement du Sri Lanka empêche tout accès humanitaire à la zone de guerre dans le nord-est du pays, a déploré lundi le responsable aux Affaires humanitaires de l'ONU, John Holmes (...) au moins 50.000 civils sont coincés sur la mince bande côtière où sont acculés les Tigres de libération de l'Eelam tamoul"

Les médias en parlent, pour quels résultats?

Début janvier on nous parlait de génocide à Gaza (le nombre de victimes fait débat, mais ne dépasserait pas 1.400), des milliers de protestataires défilaient à Montréal, Toronto, Londres, Paris, et dans de nombreuses autres villes de par le monde. On réclamait des enquêtes internationales, on expulsait des diplomates, des plaintes étaient déposées afin de traîner les "criminels de guerre" israéliens devant la justice, les appels au boycott étaient relancés, des opérations avaient lieu dans des supermarchés en France, une caravane partait de Londres, avec à sa tête un député britannique, pour apporter des produits de l'argent liquide et des véhicules aux "résistants"...

Le Sri Lanka, qui voit depuis de longues années s'affronter les "Tigres", organisation terroriste armée, et le gouvernement de Colombo, ne suscite pas du tout les mêmes réactions, c'est le moins qu'on puisse dire.

Les Tamouls défilent presque seuls, à Toronto ou ailleurs, dans les mêmes rues qui voyaient des milliers de protestataires hurler leur colère à pleins poumons il y a 3 mois à peine.

La situation a peu changé depuis le 5 février. Pourquoi des réactions aussi radicalement différentes?

Est-ce lié à l'émotion suscitée par les victimes civiles? Non: les victimes sont plus nombreuses au Sri Lanka qu'à Gaza.

L'absence d'information est-elle en cause? Non: même si les envoyés spéciaux sont moins nombreux sur l'île de Ceylan, les événements sont malgré tout rapportés dans les journaux. Par contre on en parle beaucoup moins, voire pas du tout, dans les "organes d'information" des organisations anti-"sionistes", des syndicats, voire des partis politiques:

- le CUPE Ontario, qui a voté une motion de boycott des institutions académiques israéliennes, est très discret en ce qui concerne le Sri Lanka. La page d'accueil, à ce jour, met en valeur 5 sujets importants: un conflit de travail à Windsor, une manifestation pour défendre les hôpitaux, une cérémonie en mémoire d'un travailleur, un appel pour limiter l'usage de l'eau en bouteille, et l'annonce de la 46e convention du syndicat en mai... En utilisant le moteur de recherche du site, je remarque que le CUPE-Ontario se contente de relayer l'appel d'un Canadian Forum for Justice and Peace in Sri Lanka... C'est mieux qu'en février, lorsque le site ne référençait même pas le nom "Sri Lanka".

- la CSN, si bavarde lorsqu'il s'agissait de fustiger ceux qui avaient protesté devant les slogans antisémites proférés par des manifestants "pro-Gaza" à Montréal en janvier, n'a toujours rien de spécial à dire sur le conflit sri lankais.

- Québec Solidaire n'a guère évolué sur ce sujet: "Votre recherche n'a donné aucun résultat". Amir Khadir, député QS au parlement à Québec, n'a pas dégainé sa chaussure.

En France ce n'est pas vraiment mieux. Olivier Besancenot soi-même, leader du tout chaud tout beau "Nouveau Parti Anticapitaliste", qui rêve de devenir le Guide d'une extrême gauche pour le moment très éclatée, ne s'est pas envolé pour le Sri Lanka alors qu'il est allé montrer sa solidarité ailleurs. Comme quoi on peut être d'extrême gauche et avoir le sens de la comm' et du marketing. On trouve malgré tout un communiqué -plutôt court- au sujet du conflit en cours au Sri Lanka, daté du 31 mars. Pas de vidéo du Chef sur le terrain, pas d'appels hystériques au boycott, pas de mention d'un génocide, etc.

Bref, tout ceci est très mystérieux car je ne vois pas de différence fondamentale entre le Sri Lanka et Israël, entre Sri Lankais, Tamouls, Israéliens et Palestiniens. Bon, on consomme plus de thé vert à Colombo qu'à Jérusalem, et plus de latkes dans les cuisines de Haifa que dans celles de Kandy, on trouve plutôt des statues du Bouddha dans un pays et des Talmuds dans l'autre, mais ça ne permet pas de comprendre pourquoi on observe une extrême réactivité dans un cas, la plus profonde apathie dans l'autre...

Ou peut-être que si?

* * *

Annexe. Tout le monde ne dort pas: Oxfam, Unicef, Médecins sans Frontières interviennent, pour ne mentionner que ces trois grosses organisations humanitaires.

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