vendredi 6 mars 2009

Michael Ignatieff contre la diabolisation d'Israël

Les antisémites (1) qui fréquentent nos campus se donnent ces jours-ci des allures d'antiracistes en organisant la "Semaine de l'Apartheid israélien" (Israeli Apartheid Week - IAW). Voir aussi Haaretz.

Michael Ignatieff, chef du Parti Libéral du Canada, a dit ce qu'il en pensait dans les colonnes du National Post (info reprise par l'indispensable Z-Word Blog): "Israel Apartheid Week and CUPE Ontario’s anti-Israel posturing should be condemned" (la Semaine de l'apartheid israélien et les positions anti-israéliennes du CUPE-Ontario [cf. ici] doivent être condamnées)

Sur les manoeuvres du CUPE et le boycott académique d'Israël: "The Liberal Party of Canada condemns the CUPE resolution in the strongest possible terms. I salute the others who have spoken out against the resolution, including my colleagues on both sides of the aisle in the House of Commons, and CUPE’s national president, Paul Moist, who has refused to support the resolution. I encourage all CUPE members, and all Canadians, to follow their example."

Sur l'activisme anti-israélien: "Criticism of Israel is legitimate. Attempting to describe its very existence as a crime against humanity is not (...) IAW goes beyond reasonable criticism into demonization."

Ces propos ont un certain poids, ils viennent du prochain premier ministre du Canada.


Update
Traduction rapide en français de la déclaration de Michael Ignatieff (j'invite toutefois vivement le lecteur à se référer à l'original en anglais):

Tout au long de leur histoire, les Canadiens ont tâché de se comprendre les uns les autres par-delà les solitudes qui ont brisé d'autres pays (a). Notre objectif national commun a été bâti sur notre diversité.

Nous respectons les différences – différences d'opinion, de nationalité, de race et de croyance. Renoncer à ce respect nous mettrait en péril. La « Semaine de l'Apartheid israélien » [Israel Apartheid Week - IAW], qui se déroule en ce moment sur les campus à travers le Canada, viole ces valeurs de respect mutuel que notre pays a toujours promues. Le droit international définit l'apartheid comme un crime contre l'humanité. Accuser Israël d'être une terre d'apartheid est une tentative délibérée visant à remettre en question la légitimité de l'État juif.

Critiquer Israël est légitime. Prétendre que son existence même est un crime contre l'humanité ne l'est pas.

L'IAW s'inscrit dans une campagne internationale de proclamations, de boycotts et d'appels en faveur du désinvestissement, initiée par la Conférence mondiale contre le racisme (...) tenue à Durban en Afrique du Sud en 2001. De même que « Durban I », l'IAW ne s'intéresse qu'à un seul État, à ses citoyens et ses défenseurs, pour les condamner et les exclure; des établissements et des individus sont pointés du doigt à cause de ce qu'ils sont: Israéliens et Juifs.

Ce n'est plus de la critique raisonnable, mais de la diabolisation. Cela a pour conséquence que des étudiants juifs et israéliens -craignant d'être intimidés- hésitent à exprimer leurs opinions.

Un Canadien ne devrait jamais avoir à craindre pour sa sécurité à cause de ce qu'il est ou de ce qu'il croit. Les Canadiens devraient unanimement condamner toute tentative visant à intimider des personnes en raison de leurs opinions ou de leur identité. La branche ontarienne du Syndicat canadien de la fonction publique [Canadian Union of Public Employees - CUPE] a rejoint le concert de dénonciations d'Israël sur nos campus. La décision de boycotter les universitaires israéliens, votée la semaine dernière par le CUPE-Ontario, est une violation inacceptable de la liberté de l'enseignement.

Le Canada a des liens universitaires, économiques et culturels forts avec Israël et les institutions israéliennes. Ces relations sont bénéfiques à nos deux pays. Les recherches menées conjointement par des universitaires canadiens et israéliens nous enrichissent mutuellement et devraient être encouragées. La résolution du CUPE est une attaque contre la liberté d'échanges qui est au coeur de notre système universitaire.

Le Parti Libéral du Canada condamne la décision du CUPE de la manière la plus ferme. Je salue tous ceux qui se sont exprimés contre cette résolution, y compris mes collègues des deux côtés de la Chambre des communes (b), ainsi que le président national du CUPE (c), Paul Moist, qui a refusé de soutenir la résolution. J'encourage tous les membres du CUPE et tous les Canadiens à suivre leur exemple.

Les positions anti-israéliennes de l'IAW et du CUPE-Ontario abusent de la liberté académique, et devraient être condamnées par tous ceux qui favorisent un débat courtois et respectueux sur le conflit au Moyen-Orient.

Les dirigeants politiques devraient également prendre garde à ne pas aggraver la méfiance entre communautés à propos du Moyen-Orient. Les politiciens qui se servent du conflit en cours au Moyen-Orient pour diviser les Canadiens afin d'en tirer un gain politique ne réussiront qu'à accroître les rancoeurs et à augmenter les tensions.

Le conflit israélo-palestinien suscite des désaccords passionnés. Il ne devrait pas porter atteinte à la liberté d'enseignement et il ne devrait pas diviser les communautés canadiennes. Nous pourrons progresser si nous travaillons ensemble à promouvoir l'objectif de la politique canadienne depuis 1948: Israël vivant en sécurité et dans la paix aux côtés d'une Palestine indépendante.


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(1) soyons honnêtes: il y aussi des imbéciles, des incultes sans mémoire et des conformistes dans le lot.

(a) Allusion aux "deux solitudes" qui éloignent et opposent Canadiens anglais et Canadiens français. L'actuelle Gouverneure Générale du Canada, Michaëlle Jean, a pris pour devise "Briser les solitudes". Elle a abordé cet important thème dès son discours d'investiture.

(b) Les députés du gouvernement et ceux de l'opposition se font face lorsqu'ils siègent à la Chambre.

(c) Comme beaucoup d'organismes pancanadiens, le CUPE a une direction nationale et des branches au sein des différentes provinces.

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